Coralie Barbe, ancienne présidente du jury de la VAE

Coralie Barbe est conservatrice-restauratrice de livres. Elle a été présidente du jury de la procédure de validation des acquis et de l'expérience (VAE) en 2021 et 2022.

Coralie Barbe - Photo : DR

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Coralie Barbe, diplômée de l’Inp en 2003 en Arts graphiques et Livre, une des premières promotions de la spécialité Livre. J’exerce depuis une vingtaine d’années, tout d’abord seule comme indépendante puis j’ai constitué une équipe et je dirige aujourd’hui un atelier de conservation-restauration d’une dizaine de personnes à Paris. Cet atelier comporte, outre la conservation restauration, un secteur reliure, dorure, conditionnement, confection de fac-similé et numérisation de documents patrimoniaux. En 2020, j’ai été pensionnaire à la Villa Médicis avec un sujet de recherche sur la matérialité des carnets d’artistes au XVIIIème siècle. 

Comment avez-vous abordé cette expérience de présidente du jury de VAE ?

Cela m’est apparu comme une responsabilité très importante. Il s’agit d’avoir une connaissance fine des compétences nécessaires à l’exercice de la conservation-restauration telle qu’elle est enseignée à l’Inp et d’être en mesure d’identifier ces compétences dans le parcours des candidats, au travers de leur dossier et de leur présentation. J’ai pu, pour cela, m’appuyer sur mon expérience d’enseignante au département des restaurateurs mais aussi à travers le référentiel de compétences récemment mis à jour. L’enjeu réside ensuite dans le fait de faire correspondre ce document conceptuel et qui reste théorique avec la réalité du terrain, ce qui rend l’exercice assez complexe.

On a affaire à des personnes qui présentent un parcours professionnel s’étendant parfois sur une bonne dizaine d’années et il ne s’agit pas de dévaluer ce parcours. Et dans le même temps,  il ne s’agit pas non plus de dévaluer le processus de reconnaissance  et in fine le diplôme délivré. Il faut que le diplôme délivré par VAE soit équivalent à celui délivré après 5 années d’études aux étudiants en fin de cursus.

Qu’est ce qui vous a marqué dans cette expérience de jury ?

La difficulté de l’exercice. J’ai déjà fait partie de jury de concours d’entrée ou de jury de diplômes mais cela est très différent, les candidats sont jeunes, inclus dans un parcours d’apprentissage, ils peuvent se représenter. Là, vous avez affaire à des professionnels qui, dans une certaine mesure, se mettent à nu en vous présentant leur parcours, leurs motivations pour marquer une évolution d’un métier qu’ils exercent souvent avec passion, donc il y a forcément une dimension d’affect qu’il faut prendre en compte.

J’admire vraiment le courage et la détermination de ces candidats, nécessaires pour s’arrêter sur son parcours, faire le point, rassembler ses expériences, parler d’une vie professionnelle parfois menée seul, la remettre en question. Cela leur demande un investissement important en temps et en argent. Cela accroît d’autant notre responsabilité. Il y a quelque chose de personnel dans cette démarche, une volonté de reconnaissance, de confronter et mesurer son profil à ce que l’institution juge conforme ou pas, c’est un effet de miroir qui engage.

Et je suis souvent navrée quand je comprends que la décision négative est parfois vécue comme une remise en question de ce parcours, un échec. Parce qu’il n’y a pas de mauvaise orientation professionnelle, pas de mauvais parcours. Il s’agit de juger d’une conformité, pas d’une qualité intrinsèque.

Que conseilleriez-vous aux futurs candidats des prochaines sessions ?

Il est important de bien identifier ce en quoi consiste ce métier de conservateur-restaurateur, même s’il est jeune dans sa définition. Les formations existent depuis 40 ans, c’est à la fois peu et en même temps cela a été suffisant pour que des formations se soient clairement structurées. Il faut donc se renseigner sur la nature même de ce métier et la part de différences entre le métier initial et celui auquel ils se destinent. Il y a des compétences transversales, mais aussi des compétences spécifiques et il faut faire la preuve auprès du jury, de la valorisation de ces compétences et de leur acquisition par l’expérience ou par la participation à des formations. Une des grandes difficultés réside dans cette mise en relation entre les compétences revendiquées par les candidats et celles défendues par l’Inp.

Il arrive que les candidats, dans la présentation de leur parcours, aient du mal à faire ce pont entre leur expérience professionnelle, les chantiers qu’ils ont menés et ce qu’ils en ont retiré comme enseignement. Cela peut être le travail en équipe, l’articulation des spécialités, l’acquisition d’une nouvelle technique ou la gestion même de ce chantier. Poser un regard critique sur son parcours professionnel est un exercice extrêmement difficile. Mais Identifier quelque chose qu’on a fait et qu’on ne referait peut-être pas de la même façon est déjà une manière de montrer qu’on a compris l’évolution et la direction à prendre.

Nous ne jugeons pas de la qualité des lieux de formations ou des stages que les candidats nous présentent, mais bien de l’enseignement qu’ils en ont retiré, que ce soit dans l’identification des compétences spécifiques acquises, ou dans l’analyse des lacunes et des manques à combler. Pour cela, la confrontation de son parcours et de son dossier lors de sa constitution avec des professionnels de la conservation-restauration me semble être une étape essentielle dans la réussite de ce processus de VAE.
 

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